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LE BARACHOIS
En cette fin de journée pastel
qui n’est plus tout à fait automne
ni déjà hiver,
enchâssé dans ce délicat coffret
de glace vert-de-gris lumineux,
un fond cendré s’ouvre
sur un des barachois
de la baie dite « des chaleurs ».
Entre l'eau salée et l’eau douce
pas tout à fait la terre
pas tout à fait la mer,
l'estuaire d’une sinueuse rivière,
Lavé et nourri par les marées.
Milieu hésitant, incertain, ambigu…
— en apparence, à courte vue —,
refuge foisonnant de la multitude
à poils, à plumes,
ou
à nageoires,
à racines et à feuilles.
Giron secret, subtil et sensible.
Univers microscopique
à contempler,
à embrasser,
à y plonger,
à s’en nourrir l’âme.
FRF 24 février 2023
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2 mars au 30 avril 2023
Lieu et cadre: Une exposition collective sous le thème « La Nature » de membres de la galerie AXART de Drummondville.
Un photomontage intitulé : Barachois, entre terre et mer.
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Matériel complémentaire (1)
Comment ce photomontage a été construit: choix des 5 photos, placement, déformations, changement de couleur
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Description du processus de montage
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Les étapes:
Il a fallu d’abord choisir parmi de nombreuses photos de glace et d’eau, un sujet de prédilection dans mon travail, depuis de nombreuses années. La sélection définitive s’est limitée à cinq photos qui sont une première, le plan large d’un paysage et quatre autres de glace en plan rapproché.
Une des lignes directrices de ma recherche formelle qui inspire la construction de mes photomontages est la quête de l’abstraction dans les formes « banales » rencontrées, entrevues au hasard de déambulations, de promenades dans des milieux urbains, forestiers ou maritimes.
Ici, j’ai choisi un paysage gaspésien, de Port-Daniel, là où la rivière du même nom se jette dans la Baie-des-Chaleurs : scène de fin d’après-midi, fin novembre. Voilà pour le côté figuratif de la composition.
À l’occasion de ce séjour gaspésien, j’ai aussi exploré des chemins forestiers où dans les ornières creusées par le poids des camions s’accumulaient eau, feuilles mortes et autres débris automnaux. Par ce temps assez froid, souvent une mince couche de glace en suspension recouvre ces creux terreux, tapissés de feuilles décolorées. J’y ai trouvé des centaines de photos que j’ai faites sur deux jours : d’abord, en fin d’après-midi à la lumière plutôt déclinante puis le lendemain matin en plein soleil. Un rêve de photographe qui attend au bon endroit, le bon moment, le bon éclairage, sous le bon angle. Tous ces éléments étaient réunis. J’en ai profité avec gourmandise.
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J'ai sorti de ces deux sessions de collecte-travail quatre photos en plan rapproché ce qui crée des ensembles plutôt abstraits et graphiques tout en conservant le caractère délicat et fragile de la glace.
Voici ces 4 photos non-travaillées, ni transformées:
Ce sont des photos où la glace est suspendue, accrochée au bordures solides des ornières, à une faible distance de l’eau qui se tient au fond des creux. Parmi elles, sous la surface gelée, on aperçoit des gouttes d’eau floues et réfléchissantes, fruit de la lente fonte de la couche glacée. Le tout est d’une grande délicatesse et d’une fragilité à marcher sur la pointe des pieds.
Voilà pour les circonstances, l’atmosphère.
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Un premier essai donne ce montage qui demande quelques ajustements. La perspective qui résulte de la mise en trapèze des côtés éloigne et écrase la photo centrale. Les tons de jaune des deux côtés, surtout le gauche, s’opposent à la tendance rougeâtre du reste. Il y a donc trop d’éléments de distraction et de disproportion entre le « cadre » et le centre.
Cherchons. Essayons autre chose...
Dans un premier temps, il faut unifier la couleur du cadre, puis, augmenter la présence du centre tout en conservant la profondeur.
Sur la photo du centre un étirement du coin inférieur droit et un enfoncement du coin supérieur gauche semblent faire l’affaire.
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Mais je souhaite faire avancer l’image centrale sans la rapprocher. Je tente une déformation de l’image centrale :
Une première tentative pas très satisfaisante sauf pour la pointe formée par l'angle de la rive découverte… un cri!
Je recentre la déformation sur les conifères les plus hauts, au plan moyen de l’Image lesquels se réfléchissent dans l’eau non couverte de glace.
Voilà un point d’appui central et bien défini.
Découverte! Cela me réconforte et me montre bien que le travail assidu permet souvent de trouver ce que nous ne savons même pas que nous cherchons.
Pierre Soulages disait cela de façon concise et bien claire : « C’est ce que je fais qui m’apprend ce que je cherche »
J’ai donc trouvé!
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Cette trouvaille remise dans le « cadre » donne ceci après des ajustements imposés par la forme de ce dernier :
Je cherche à ramener cette ligne verticale centrale un peu plus à l’avant-plan.
C’est plus intéressant mais l’étirement du coin inférieur droit défait complètement l’idée d’un « certain » encadrement et déplace complètement l’ensemble vers la droite.
Peut-être un peu trop d’instabilité dans une composition que je veux paisible, sereine.
Je restreins un peu l’étirement.
Nous y voilà donc : une composition plus conforme à mon idée de sérénité. Une tension plus forte se crée vers le lien vertical entre le côté gauche du paysage du centre et la bordure droite de la partie gauche glacée tout en maintenant l’illusion de la torsion-chute provoquée par les quatre verticales de droite — les conifères et leur réflexion, le bord droit du paysage confondu avec l’une des deux parallèles du côté droit du « cadre » — et la « pointe » vers le bas, imposée à la rive et à la glace de surface laquelle fait pendant à la pointe inférieure droite du paysage.
Seules les couleurs restent à modifier pour donner plus de légèreté, de rêve, de lumière et de chaleur. Verdir le cadre ajoute de la lumière, teinter de violet accentue le fond et le réchauffe. La lumière du coucher de soleil rosit le tout.
Les intentions:
Il ne faut pas oublier que la plus grande partie de cette démarche est, dans son déroulement, d’abord non préméditée, instinctive, guidée par le geste, le regard, l’impression générale qui naît au fur et à mesure de la « fabrication ».
C’est après coup que je peux « remonter le fleuve » et tenter d’expliquer le comment et le pourquoi de la chose.
Le pourquoi du « travail » est d’abord très égoïste — mon propre plaisir, ma joie de voir avancer la construction de l’image — le bonheur d’y trouver une satisfaction esthétique et parfois d’y lire un sens, une intention humaine et humaniste donnée à un univers hyper-organisé dans son équilibre fragile.
Puis, de pouvoir partager l’image avec celles et ceux qui recréeront pour elles et eux-mêmes un monde à leur goût et manière en regardant attentivement ces lignes et ces couleurs, voilà un autre plaisir que je me donne et que je vous souhaite, à vous qui lisez et qui regardez-voyez.
FRF 28 février 2023
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Matériel complémentaire (2)
Travail de création sur une photo unique
FRF 23 mars 2023
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