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« Mishapan Nitassinan » disent les Innus — Que notre terre était grande!
On aura beau avoir découpé ce territoire emprunté, non, « em-possédé », occupé par des rois et autres princes détenant leur pouvoir de Dieu lui-même confirmé par des papes, en petits ou grands États superposés à son âme première, cette terre restera grande, connue de celles et de ceux qui depuis toujours l’ont « parcourue », l’ont « traversée », en ont « sillonné » les lacs et les rivières. L’ont « voyagée ».
Ces occupants de toujours ont nommé cette terre sans la conquérir, ni la dédicacer, ni en prendre possession; pas de noms de saints, ni de grands hommes, ni de militaires; des noms descriptifs, respectueux de la forme ou du contenu du lieu : Québec en langue algonquine signifie là où le fleuve se rétrécit; Canada en iroquois et en wendat signifie village[1] Saskatchewan, la province et la rivière, en langue crie kisiskatchewanisipi, signifie rivière aux flots rapides; Ivujivic : en inuktitut, veut dire lieu où l’on est pris par les glaces qui dérivent; Mexico, d’origine nahuatl, signifie lieu du centre de la lune ou lac de la lune ou encore nombril de la lune ; Michigan, État du Midwest des États-Unis vient du mot ojibwé Mishigami qui signifie grande eau ou grand lac; Hushuai, la ville d’Ushuaia, au sud de l’Argentine provient de la langue yagan et signifie au fond de la baie ou au fond de la crique[2]. On entend tous ces noms et bien d’autres encore dans le texte de Joséphine Bacon[3] mis en musique par Gilles Bélanger et chanté par Chloé Ste-Marie : Mishapan Nitassinan [4].
Du respect, voilà comment ces peuples si nombreux à marcher, à pagayer, à portager cette terre lui en ont manifesté, démontré par leur délicatesse à son égard. Oserons-nous faire de même envers eux et envers elle chez qui — ces peuples et cette terre — nous nous sommes installés? Des gestes à poser, des actions à engager, des reconnaissances à affirmer, des abus à réparer.
Un petit pas. En 2019, la ville de Montréal a donné un nom mohawk à une rue qui rappelait Jeffery Amherst reconnu comme le premier à avoir suggéré la distribution aux Premières Nations de couvertures de laine délibérément infectées par la variole dans le but d’éliminer les autochtones. La rue s’appelle maintenant Atateken[5] —prononcé « a-de-dé-gan » — ce, dans l’esprit autochtone de nommer les lieux pour ce qu’ils sont et non à la gloire de personnes illustres; Atateken signifie (« frères et sœurs » en mohawk) — rue où passent nos sœurs et nos frères humains? Tout simplement? Une vision pacificatrice, apaisante, engageante pour l’avenir.
Le Grand Esprit, Manitou, lui qui embrasse cette terre de ses bras protecteurs, la contemple et la veille. Il insuffle sa sagesse à ce grand territoire et à ses habitants quels qu’ils soient: Cette terre n’appartient à personne. Pour y vivre, il suffit de l’entendre, de la comprendre, de ne pas la prendre. La diversité qui la compose est la garantie de son équilibre. En évidente réciprocité, cet équilibre assure le maintien de cette précieuse diversité.  C’est une boucle infinie et essentielle.

FRF 1er juillet 2021*
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On l’entend aussi discuter avec Roy Dupuis dans le film l’Empreinte [ https://www.onf.ca/film/empreinte-edu/ ] et on l’aperçoit dans Hochelaga, terre des âmes de François Girard, sans oublier le documentaire Je m'appelle humain (2021) de Kim O'Bomsawin [ https://www.terreinnue.com/je-mappelle-humain ]
* à cette date, il y a 154 ans, le 1er juillet 1867, on créait le Canada qui succédait au Canada-Uni, décrété en 1841 qui lui, succédait aux deux colonies britanniques, le Haut-Canada anglophone et le Bas-Canada majoritairement francophone. Il y a plus que des couvertures infectées qui peuvent servir les impérialismes.
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