Bordu-fleuve

À l’occasion d’une promenade au bord du Fleuve, à quelques pas de chez moi, un soir du mois d’août, à la brunante, je prends des photos de pierres qui jonchent la berge, d’autres qui apparaissent sur les parois rocheuses qui longent la grève. J’y découvre des motifs, des failles, des reliefs souvent accentués par leur ombre projetée par le soleil déclinant.

J’y vois des masques, des constructions d’inspiration cubiste, des touches « gestuelles », des Sam Francis ou des Riopelle, entre autres.

J’ai fait il y a quelques années, en hiver, des photos (1) de la rivière Paspébiac en Gaspésie et, à l’observation subséquente, en essayant d’oublier le sujet, de m’astreindre à ne voir que les formes et les couleurs, j’y ai imaginé un rappel des peintures noir et blanc, ces grandes tâches en relief, texturées de Borduas. Ces abstractions seraient-elles inspirées par un cours d’eau glacé qui laisse déborder son liquide noir entre des masses blanches gelées couvrant la rivière?

Me reviennent ces souvenirs de mes visites adolescentes à la Galerie nationale, rebaptisée depuis Musée des Beaux-arts du Canada, seul lieu culturel accessible à cette époque, dans l’Outaouais. J’y ai appris à regarder et à voir, mais d’abord à aimer ces grands Borduas et ces autres œuvres qui ont fait mon éducation visuelle.

Alors, reconnaissant de cet enrichissement du regard, quand je me promène le long du Fleuve ou ailleurs, je vois. Et parfois, sur mon chevalet imaginaire, je me mets à « colorer » des masses apparues sur une muraille de pierre comme si j’y accrochais une toile encadrée qui pourrait s'intituler Bordu-fleuve.

À chacun d’y voir masques, fleurs, éléphants ou toute autre réalité projetée par son imagination.

(1) voir ci-dessous deux photos de la rivière Paspépiac ainsi que la photo originale de la paroi rocheuse